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Comment survivre au plus beau/vieux métier du monde

03 Juin

Principe de plaisir / principe de réalité si cher aux psy…
Fantasmes / réalité…

Voilà à quoi je pense en découvrant deux « infos » durant ce long week-end. Aucune n’est du domaine de l’information même si elle se prétend en partie comme telle. Il s’agit d’une pub ayant coûté 1,35 millions d’euros à l’Education Nationale, pub sensée représenter notre métier, le valoriser, et surtout inciter des jeunes à venir l’exercer. Ne sont-ils pas beaux ces nouveaux profs ? Quant au métier… Où sont les élèves ? Où sont les piles de copies/cahiers à corriger ? Pourquoi ne précise-t-on pas que le super ordi du jeune homme est payé par ses propres deniers ?

Dans le style pur foutage de gueule ou comment jeter l’argent du contribuable par les fenêtres, c’est parfait. Plus de 33 000 départs à la retraite l’année prochaine, seulement 17 000 recrutements dont une bonne quantité de vacataires ou contractuels payés avec un lance-pierres, sans sécurité de l’emploi etc. La réalité est loin du fantasme publicitaire…

Quant à la réalité, ajoutons-en une couche. Je viens de découvrir le blog de Princesse Soso, prof de collège en milieu défavorisé. Je vous conseille de le  lire pour comprendre pourquoi j’ai l’impression que le plus « beau métier du monde » est en train de devenir le plus « vieux métier du monde »… et c’est PAR ICI. Parents, votre enfant passe le brevet ? Pas de panique ! Lisez et profitez du week-end sans révision…

Pour ma part, je fais le métier que j’ai toujours eu envie de faire et j’en suis encore heureuse même si la lassitude est de plus en plus présente. Je suis toujours consciente d’avoir trois grands privilèges :
– la sécurité de l’emploi (mais elle tend à disparaitre avec les nouvelles normes de recrutement)
– les vacances (soyons honnête : sans elles, on ne tiendrait pas le choc. Rappel : enseignant est la deuxième profession en terme de suicide après les policiers et loin devant France Telecom. Il est beaucoup plus difficile de se suicider avec un stylo rouge…)
– ne pas avoir un supérieur en permanence sur son dos (mais avoir entre 25 et 35 élèves + leurs parents qui sont de constants scrutateurs de mon travail)

Je profite particulièrement de ce dernier point. Je fais mon travail honnêtement, consciencieusement, avec une moyenne de 55h/semaine (bin vi, les préparations ne sont pas reprises d’une année sur l’autre ; les projets ne sont pas les mêmes, les élèves non plus. Quant aux corrections, c’est entre 54 et 81 cahiers à corriger par jour). Avec cette masse horaire, je ne fais pas tout ce qu’on nous demande.
Et c’est ça qui « me bouffe » le plus. Les enseignants sont de nos jours mis dans une situation où ils ne peuvent pas réussir la tâche qui leur est confiée. Je suis « instit » (en réalité maintenant professeur des écoles, titre ô combien ronflant), pas psy, pas assistante sociale, pas ré éducatrice, pas instit spécialisé pour élève handicapé moteur, cérébral, comportemental, ni éditrice de fiches scolaire… qui sont tous des boulots à part entière pour lesquels nous ne sommes pas formés. Enseignant est déjà un travail à temps plein. Comment peut-on imaginer nous multiplier les tâches ainsi ?
Je ne suis pas lasse des élèves qui, dans leur grande majorité, sont aussi polis, travailleurs que ceux d’il y a 20 ans. Je suis juste fatiguée par l’hétérogénéité galopante : avoir des élèves ne sachant toujours pas lire en fin de primaire est usant, pour eux comme pour moi comme pour le reste de la classe. Les parents, dans leur grande majorité également, sont des gens normaux, soucieux de leurs enfants et parfaitement respectueux de mon travail. Par contre pour ce qui est de nos supérieurs…
J’en ai tâté (au sens métaphorique bien entendu) de l’inspecteur/trice. Certains m’ont énormément appris, ont été des guides dans ma pratique. Depuis peu, même dans le fin fond de ma campagne, je trouve que de plus en plus ils s’alignent sur le Sinistère : une vision comptable doublée d’un principe de plaisir bien loin des réalités…

Bref, je suis lasse.
Ce qui ne m’empêche pas de travailler souvent avec enthousiasme, mais maintenant avec un choix délibéré de laisser de côté les lubies sinistérielles, ne prenant que les bonnes idées (il y en a quelques unes fort heureusement) et délaissant les autres.
Exemple : pratiquer l’informatique oui, remplir le foutu B2i, aucun intérêt puisqu’il n’y a aucune continuité dans son enseignement car c’est juste une « pratique ».
J’ai signé pour un contrat allant jusqu’à 55 ans. Je sais maintenant qu’il me faudra travailler jusqu’à plus de 62 ans. « Vous êtes fonctionnaire, on ne vous demande que de fonctionner, pas de penser ! » m’a sorti un jour un de mes inspecteurs. Je suis une machine de d’Education Nationale. Comme telle, je ne dois pas entrer en sur-régime sous peine de casser. Je m’y astreint ^___^
Depuis que je m’oblige à limiter mon temps de travail, depuis que je vise l’essentiel, le bon sens des apprentissages, j’ai repris goût à mon métier.

Pour combien de temps encore ?

 
10 Commentaires

Publié par le 03/06/2011 dans what a wonderful world

 

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10 réponses à “Comment survivre au plus beau/vieux métier du monde

  1. dékado

    03/06/2011 at 11:37

    Etre corvéable à merci, être multi tâches, atteindre des objectifs avec le moins de moyens possibles, c’est le lot de tous les cadres (qu’ils soient fonctionnaires ou autres). L’éducation nationale fonctionne sur le même plan qu’une grande entreprise : la rentabilité.
    Inutile de te dire que l’allégeance à notre employeur a pris du plomb dans l’aile, et qu’il est temps de ne prendre que ce qui fait ton bonheur, et de laisser le reste. Tu n’as qu’une vie, c’est déjà bien que tu en donnes une partie à l’EN.
    Tu avais parlé, pendant un temps, de choisir un temps de travail allégé. Qu’en est il aujourd’hui ?

    Signé Dékado : évidemment que je vais tenir ce genre de discours, puisque j’ai choisi de ne plus être « assimilée fonctionnaire »après 18 ans de bons et loyaux services, mais à mon compte (c’est à moi maintenant que je rends de bons et loyaux services).

    PS : ah bon ! les enseignants se suicident au stylo rouge ? (me fait rire ^^). Les Agents de France Telecom sont pendus au téléphone ? (là, je suis pliée en deux).

     
  2. Zazaone

    03/06/2011 at 12:01

    Vi, l’encre rouge est un poison ^^ comme le cordon de téléphone une corde pour se pendre niéhéhé !

    Etre instit ce fut toujours être multitâche et c’est ce qui m’a toujours plus dans le métier : ne pas m’enfermer dans une matière, ne pas m’enfermer dans un niveau de classe, gérer les différences ; mais le grand écart tient maintenant de l’écartèlement. Le Sinistre nous augmentent les tâches à faire, principalement la paperasserie qui ne fait pas avancer le schmilblick. Passer de 22 élèves par classe à 30 n’aide pas non plus. Nous changer les objectifs, les programmes tous les deux ans ne réjouit que les éditeurs qui se frottent les mains.

    J’ai commencé ma carrière à un moment où un élan était donné à l’EN pour promouvoir le métier, sa reconnaissance. Je me suis habituée au « luxe » … hum, c’est beaucoup dire… je me suis habituée au « bon sens » de ce moment là. J’avais tort.
    Je suis cadre de la fonction publique et je sais que par définition, je suis moins payée qu’un cadre du privé (est-ce toujours vrai aujourd’hui ?). J’aurai 30 ans d’ancienneté l’automne prochain, 19/20 de note de mérite et je touche un peu moins de 2 000 €. Je dois avoir un petit côté « ça -sert- d’os » en moi…
    Ce n’est pas une paye inique mais bon, y’a pas de quoi se vanter ^^
    A côté, mon frère qui est prof agrégé de math, qui a 13 H de cours face aux élèves (moi 26) et de ce fait donne des heures de « colle  » (cours spéciaux) en école prépa aux hautes écoles, se fait un gentil 5 000 € par mois. Je ne le jalouse pas, il les mérite de par son niveau et les concours qu’il a passé mais… quand nous sommes ensemble et qu’il me voit bosser, en terme d’heures de travail hebdomadaire, il n’y a pas photo : je suis la fourmi. Corriger une copie lui prend beaucoup plus de temps mais il n’en a pas tous les jours. Préparer un cours, kiffe kiffe sauf pour les classes prépa. Sauf pour moi la ponte d’un projet pédago. Donc kiffe kiffe.
    Il est heureux avec les grands, moi avec les petits. Mais je serais encore plus heureuse avec la moitié de sa paye ^^

    Bref, comme dans tous les métiers, des inégalités.

    Depuis trois ans mon poste est mis en balance pour différentes raisons et je m’y accroche comme le bernique breton : partir de mon plein gré ou surtout momentanément oui, me faire éjecter non. Allez dans le privé me fait peur. J’y ai bien travaillé quelques mois avant d’être instit mais c’est il y a longtemps…
    Me mettre à mon compte ? Je n’ai aucun talent particulier. Sinon, je demanderais un mi-temps pour créer ma micro-entreprise (tu as le droit depuis cette année de faire ceci)

    D’être retournée dans une école avec des collègues m’a fait du bien. Surtout que nous sommes une équipe soudée. Bizarrement je bosse moins mais mieux et je relativise davantage.

     
  3. septentrion

    03/06/2011 at 12:36

    Tu crois que j’inscris déjà Mariem chez Acadomia ? OU bien je prendrai un temps super partiel pour son éducation. Tout ça pour, excuse-moi, un salaire de misère. Avec seulement 15 ans d’ancienneté chez Pôle emploi et un statut assimilé à agent de maîtrise, j’étais déjà à 2000 euros avec un statut anpe (plus depuis que j’ai opté pour le statut de droit privé). Honnêtement je ne serais pas choquée qu’une instit (j’aime bien le terme et ne le trouve pas dégradant) expérimentée gagne 2500/3000 euros par mois.

     
    • Zazaone

      03/06/2011 at 12:55

      Ne t’inquiète pas. Pour les parents s’occupant normalement de leur enfant, il n’y a pas de problèmes. C’est sûr que le niveau a baissé, d’un an pour le français, mais comme au collège c’est pareil… J’utilise certaines préparations qui fonctionnaient bien en ZEP de région parisienne avec mes CM2… sauf que j’avais des CM1 en ZEP ^^
      Mais on fait d’autres choses en plus comme les langues vivantes et l’informatique. Je suis persuadée que ces deux disciplines sont intéressantes et nécessaire à partir du moment où l’apprentissage du français et des maths ne posent pas de problèmes.

      J’aime bien instit’. Je le préfère à « professeur des zécoles ». Et voui, j’aimerais bien toucher plus et je ne pense pas voler cet argent au contribuable malgré mes vacances (un mois d’été n’est pas payé).

      Si j’étais plus finaude ou plus aventurière, je trouverais un moyen…

       
      • dékado

        03/06/2011 at 13:46

        je réfléchis sur les idées « plus finaude, et plus aventurière », j’ai déjà quelque pistes :

        Micro Entreprise : (à cumuler avec l’emploi existant)

        – patchwork pour tous (je suis cliente)
        – équitation pour les petits (c’est con, ça t’oblige à avoir un cheval/poney, à la maison)
        – nage pour les petits (ça t’oblige à avoir une piscine à la maison…)
        – cours du soir de rattrapage (français, grammaire, fan fiction)
        – cours de slam (rimer sur d’anciens poèmes par exemples).

        Et puis, l’argent que tu gagnes est l’esprit de ce que tu es….

        Comme un matheux…..

         
        • Zazaone

          03/06/2011 at 15:30

          Si le dollar était plus fort que l’euro comme c’était le cas avec le franc, le patch voui, je pourrais me lancer ; je suis assez douée pour ça et j’adore, même en y passant des heures. Une très grande pièce comme le dessus de lit de mon fils c’est entre 25 000 et 30 000 francs (à toi de mettre en euros) mais c’est 4 mois de travail à temps plein… mais bon, ce sont les prix d’il y a 7 ans. Je ne connais plus le cours actuel.
          Tout ce qui est sportif, faut le dit-plome.
          Les cours de rattrapage : figure-toi que j’ai même songé à ouvrir ma classe unique privée où je recrute sur dossier. Mais quelle merde les contraintes administratives ^^

          Cours de fan fiction ? Mwouahaha faudrait que je m’y remette déjà non ?

           
          • dékado

            03/06/2011 at 16:49

            tu as toutes ces qualités !
            Ca fait depuis 2006 que tu me supportes, que je te supporte (We Love Zaza !!!)
            Je sais de quoi je cause.
            Sachant que rien ne doit arrêter ton ambition, à toi de trouver ce qui coûte le moins, qui te fait rire le plus, et qui te rapporte modérément.
            C’est une idée pas pour tout de suite, mais pour bientôt.

            PS : me dis pas que tu n’as plus l’âge de passer des « dit plômes », c’est excitant de se relancer, de se refaire rejuger comme si on était une jeunette.

            Que ce soit la Fan fiction ou autre chose, la seule chose qui te manque c’est l’enthousiasme.
            Se remettre en question, se lancer dans le vide, prendre des risques…. est générateur d’orgasmes….
            Bon, c’est dur à supporter pour nos âges…

             
    • dékado

      03/06/2011 at 17:21

      y a rien à craindre pour Mariem. Déjà des femmes comme Zaza seront là, et puis, tu seras là pour veiller….

       
  4. Leaf

    03/06/2011 at 20:20

    Encore et toujours des données qui me font hurler… même si je ne comprends pas la moitié du schmibilick, n’étant ni française, ni dans le corps enseignant. Être instit, enseignante, prof ou peu importe le terme choisi, ça prend bien du courage.

    Je quitte Limoges demain… dois-je prendre le train jusqu’à Toulouse et trouver le moyen de me rendre jusqu’à chez toi pour te remonter le moral avant les vacances ?? A coup de plaisanteries salaces, bien sûr.
    Remarque, vaut peut-être mieux pas, au bout d’un mois on finirait par s’éntre-étripper… XD

     
    • Zazaone

      03/06/2011 at 20:45

      En France, une partie importante considère que les enseignants sont des feignants car nous sommes « toujours » en vacances et que nous n’avons que 26 H à 13 H de cours (encore moins à la fac mais c’est normal). C’est vrai que kekzuns se contentent presque de ces heures là mais pour la grande majorité, une heure face aux élèves c’est une heure de plus de travail perso. Mais c’est tellement facile de l’oublier ou le nier.

      Comme ces derniers années, le gouvernement, notre propre Sinistre nous a cassé pas mal de sucre sur le dos, les idées reçues et les rancœurs ont à nouveau la vie belle.

      Enseignant, faut vraiment choisir ce métier par conviction, voire vocation. Ni pour les vacances, ni pour la sécurité de l’emploi sinon tu y laisses une partie de ta santé mentale comment ça j’en suis un bon exemple ?
      J’ai le moral, je suis juste réaliste tendance parfois défaitiste vis à vis des réalités de mon taf.

      Une boucherie ???? niéhéhé !!!! pourquoi pas ^^
      d’ailleurs demain c’est charcuterie. Je fais mes 6 kilos de pâté

       

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